En quête de prévention du burn out
Il y a un an et demi, dans ma quête pour comprendre comment il est possible de prévenir le burn out, j’avais interrogé plusieurs personnes à ce propos et Frédéric Gloppe faisait partie des personnes ayant accepté de témoigner et d’être publié. J’ai été honorée qu’il me fasse confiance. Me sentais-je suffisamment légitime pour le faire ? Pourtant je suis convaincue aujourd’hui qu’interroger ce qui ne fonctionne pas ou ce qui devrait fonctionner autrement est tout à fait légitime.
J’avais noté ceci pour expliquer ma démarche auprès de Frédéric en introduction de l’interview :
“ Le burn out est un sujet qui m’intéresse car j’ai vu des proches et des collègues sombrer à cause du travail, jeunes et moins jeunes. J’ai vu notamment des manifestations physiques et mentales qui empêchent d’aller bien ou mieux et de voir du positif. Je ne l’ai pas vécu moi-même mais j’y suis attentive. Selon moi, les entreprises et les personnes devraient être sensibles aux signes du burn out pour être le premier relai dans la prévention des risques socio-professionnels.”
Avant d’échanger oralement avec moi, Frédéric m’avait même envoyé un document qui me permettait de comprendre :
- ce qu’il avait ressenti pendant son burn out
- les moyens qu’il avait mis en place pour entamer sa reconstruction.
- qu’il l’avait rédigé à destination de ses amis.
J’avais trouvé la démarche courageuse et humble. Donner des préconisations et alerter ses proches font partie du processus de reconstruction selon lui.
Revenons au moment où s’est déclenché son burn out. Frédéric en a connu un qui s’est déclenché en plusieurs phases.
Les débuts dans l’informatique
Lorsqu’il a commencé dans l’informatique à 25 ans, il travaillait environ 60 heures par semaine. Jeune et enthousiaste, il a tout puisé dans son capital énergie. Ajouté à cela, un caractère perfectionniste et un environnement professionnel qui ne lui a pas permis de prévenir son épuisement professionnel.
A 35 ans, on lui a fait confiance. Suite à cela, il a eu un surplus de travail. Il a rempli des fonctions qu’il n’était pas censé faire :
- il a d’abord été embauché pour faire de la technique et il s’est retrouvé à gérer la partie technique et fonctionnelle sur un sujet qu’il ne connaissait pas
- à l’époque, il faisait des allers et retours fréquents entre Lyon et Grenoble
Un matin, il est arrivé devant le clavier et il a eu un blanc, sans savoir comment faire ni ce qu’il avait à faire.
Frédéric ajoute :
“Je me suis extrait de la situation professionnelle. Je suis allé voir le docteur direct. J’ai refusé un traitement et j’ai accepté l’arrêt de 3 jours tout en m’engageant à aller voir un psychologue.”
Frédéric a refusé les anxiolytiques et a compris qu’il avait besoin d’aide dans la SSII – anciennement Société de Service en Ingénierie Informatique et appelée actuellement ESN ou Entreprise de Services du Numérique – dans laquelle il travaillait. Un collègue l’a aidé en prenant une partie de sa mission. Il ajoute que c’était compliqué pour lui d’accepter l’aide de quelqu’un.
Les premiers signes de l’épuisement
Le sommeil
Avant de connaître un burn out, son sommeil était perturbé, il changeait d’humeur et ne réagissait pas de la même manière. Il a pu voir un psychologue pendant trois ou quatre séances et est reparti dans le rythme sur recommandation du médecin.
Il reconnaît aujourd’hui :
- qu’il est difficile d’avoir conscience de son burn out : “on pense que ça va passer”.
- que ce qui a été bien là-dessus, c’est que son chef a été prévenu et a été attentif par la suite.
La vie personnelle
Frédéric pense que c’est un déséquilibre professionnel et personnel qui a aussi pesé dans la balance.
Retour au travail après le burn out
“Cela s’est moins bien passé car je suis reparti dans les mêmes travers en acceptant des missions supplémentaires ». Frédéric avait pris la relation client en plus. Il a assuré sa mission quelques mois, puis a finalement été arrêté suite à une visite chez son médecin traitant. Il a été arrêté pendant huit mois. A son retour, il a pu négocier une rupture conventionnelle.
Parler burn out en recrutement
Lors d’une rencontre organisée par le biais de Pôle Emploi chez Accenture, il a pu échanger sur son C.V., discuter avec des RH et des managers en évoquant franchement le sujet du burn out. Ils l’ont rappelé une semaine après : il a pu alors se concentrer sur l’essentiel en intégrant la société.
“Cela a eu des conséquences, quand on s’est brûlé les ailes une fois, on arrive à beaucoup plus prévenir.”
Ecouter les signaux pour prévenir
- “Si je dors mal, je vais me demander pourquoi,
- Si c’est récurrent deux à trois fois dans la semaine, cela m’alerte :
- je demande à des amis ou à des cercles d’amis de me signaler si mon comportement change, si je prends moins bien les plaisanteries.
- si deux de mes proches remarquent un changement de comportement, c’est qu’il faut faire quelque chose ».
Le confinement
En début de confinement, il a failli repartir en burn out. Il en a même fait un article disponible sur Linkedin ici.
Une des difficultés du burn out c’est de s’isoler du cadre familial en pensant qu’ils ne vont pas comprendre. Le burn out s’apparentant à de la dépression, c’est difficile de comprendre ce que c’est.
Un jour, il a eu une crise de larmes, sans savoir pourquoi. En réalité, il ressentait une surcharge mentale et émotionnelle avec un contexte familial compliqué.
Il a alors demandé à son chef de pouvoir se concentrer sur un seul sujet. Il a aussi coupé les news. La nuit d’après, il a super bien dormi. Cela lui a rappelé qu’il était fragile. Il estime être une personne ayant vécu un burn out et qui s’en est bien sorti.
Aujourd’hui, à son travail, ils sont à l’écoute, “Ce n’est pas du bullshit”.
“On se fait rappeler à l’ordre pour terminer à 17h30.” Les travaux qu’il effectue sont adaptés. Il a eu droit à du coaching par des personnes extérieures. “C’est important de rappeler que c’est difficile pour quelqu’un d’autre de comprendre la pression qu’on se met nous-même, même dans un contexte positif. C’est aussi compliqué pour chacun de comprendre le burn out lorsque l’on a qu’un son de cloche.”
Et après cette interview ?
Pour Frédéric, le vrai signal pour prévenir le burn out, c’est la qualité du sommeil ainsi que les changements d’humeur.
Parmi ses projets, il espère trouver du temps pour continuer d’écrire à ce sujet.
De cette interview, je comprends que le burn out est plus complexe que ce que j’imaginais puisqu’il faut comprendre :
- l’environnement personnel,
- l’environnement professionnel
- ainsi que sa propre personnalité et donc les réactions et adaptations que nous sommes prêts à faire pour affronter une difficulté comme une surcharge de travail par exemple.
J’espère continuer de libérer la parole sur ce sujet qui mériterait selon moi un meilleur accompagnement et surtout une meilleure prévention.
Vous souhaitez en discuter avec moi, nous pouvons échanger à ce propos ici ou dans la rubrique commentaire de cet article.